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Santé mentale au travail : les congés dédiés proposés par certaines entreprises américaines

11 octobre 2023

Santé mentale au travail : les congés dédiés proposés par certaines entreprises américaines

La santé mentale au travail se dégrade ces dernières années, pourtant le sujet reste tabou. En effet, les rythmes de plus en plus intenses, l’augmentation des responsabilités de chacun, la diminution des budgets, la perte de contact avec les collègues ou encore le contrôle accru créent des terrains propices aux problèmes de santé mentale chez les travailleurs. Ces problèmes ont été exacerbés par la crise du COVID-19 qui a suscité l’isolement et la solitude d’une grande partie de la population.


Selon un baromètre OpinionWay de mars 2023, pas moins de 44% des salariés français seraient aujourd’hui en situation de détresse psychologique. Pour plus de 7 répondants sur 10, le travail constitue l’une des causes principales, partielle ou totale, de leurs symptômes de fatigue, de surmenage, voire de dépression. Ce problème de surmenage au travail n’est pas réservé à la France. En effet, aux Etats-Unis, les burn-out sont en constante augmentation et c’est pour cela que certaines entreprises américaines ont fait le choix d’instaurer un « congé santé mentale ».

Le congé santé mentale pour soulager les salariés

Plusieurs entreprises de taille comme Lindekin, Bumble ou Mozilla offrent maintenant à leurs salariés des jours de congés payés pour prendre soin de leur santé mentale, sans utiliser leurs congés classiques. La directrice des ressources humaines chez Linkedin, Teuila Hanson, a précisé à Forbes : « Nous voulions nous assurer que nous pouvions leur donner quelque chose de vraiment précieux, et ce que nous pensons être le plus précieux en ce moment : le temps. » Cette mesure permet à chacun de faire une pause et de prendre du temps pour son bien-être. En outre, ce congé permet d’ouvrir la parole sur les questions de santé mentale en entreprise en y créant des espaces dédiés.


Cette idée de congé santé mentale fait aussi son chemin pour les étudiants soumis à une pression très importante qui favorise les troubles anxieux et dépressifs. Ainsi, l’état de l’Oregon aux Etats-Unis donne aux étudiants le droit à cinq jours d’absence tous les trois mois pour prendre soin de leur santé mentale.
À l’échelle de l’entreprise, le congé santé mentale représente un coût supplémentaire. Cependant, les employeurs y trouvent leur intérêt : en prenant en considération le bien-être de leurs employés, ils attirent et retiennent de plus en plus de travailleurs qualifiés et économisent un nombre important de jours d’arrêt de travail. L’Organisation Mondiale de la Santé estime qu’à l’échelle mondiale, la dépression et l’anxiété font perdre chaque année 12 milliards de jours de travail, ce qui représente une perte de productivité de 1000 milliards de dollars par an.

Le congé santé mentale, outil complémentaire d’une refonte du système

Certes, prendre des pauses et du temps pour soi est important pour préserver sa santé mentale. Mais s’il y a un tel mal être au travail c’est que le système le favorise. Dans son rapport mondial sur la santé mentale publié en 2022, l’Organisation Mondiale de la Santé cite le lieu de travail comme un parfait exemple d’environnement où une action transformatrice en matière de santé mentale est nécessaire puisque générateur de nombreuses causes possibles de risques psycho-sociaux :

  • la sous-utilisation des compétences ou le fait d’être sous-qualifié ;
  • une charge de travail ou un rythme de travail excessif, le manque de personnel ;
  • des horaires prolongés, rigides et incompatibles avec la vie sociale ;
  • le manque d’influence sur la définition des tâches ou la charge de travail ;
  • des conditions de travail dangereuses ou pénibles ;
  • une culture organisationnelle qui permet des comportements négatifs ;
  • le soutien limité des collègues ou un encadrement autoritaire ;
  • la violence, le harcèlement ou l’intimidation ;
  • la discrimination et l’exclusion ;
  • des fonctions mal définies ;
  • une sous-promotion ou une sur-promotion ;
  • l’insécurité de l’emploi, un salaire insuffisant ou un manque d’investissement dans l’organisation des carrières ; et
  • l’incompatibilité entre les exigences professionnelles et familiales.

Et le défaut de prévention mène à des chiffres alarmants. « À l’occasion de notre baromètre annuel, nous avons observé une hausse inédite des arrêts de travail longs pour troubles psychologiques. Un arrêt de travail long sur trois est aujourd’hui lié à des troubles psychologiques. Une hausse inédite puisque cette part a doublé en trois ans. Plus généralement un salarié sur deux en moyenne a été arrêté au moins une fois dans l’année : un chiffre qui atteint son plus haut niveau depuis 2016 » observait Anne Sophie Godon Ransonnet, directrice des services Malakoff Humanis lors d’une conférence en mai dernier.


Les profondes transformations subies par le monde du travail génèrent des conséquences délétères sur la santé mentale des salariés. Il est primordial d’agir si la personne est en souffrance et de l’accompagner dans son retour au travail. Mais les actions de prévention, comme les lignes d’écoute psychologique ou les formations à la gestion du stress sont bien souvent curatives et se font au détriment de la prévention primaire qui vise à diminuer les risques. Il est pourtant du devoir de l’employeur – article L. 4121-2 du Code du travail – de tout mettre en œuvre pour garantir le risque zéro à commencer par mettre en place des actions concrètes pour éviter les risques psychosociaux, protéger et promouvoir la santé mentale au travail, aider les salariés ayant des problèmes de santé mentale à participer et s’épanouir au travail et créer un environnement propice au changement.

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