Avec le télétravail, l’un des bouleversements majeurs déclenchés par la crise du Covid dans l’organisation du travail aura été la semaine de 4 jours. Les résultats des premiers tests commencent à être diffusés. Bien- être, stress, impact écologique : tour d’horizon des synthèses présentées par les chercheurs qui ont mené ces analyses.
Le premier constat des retours d’expérience est que la mise en place de la semaine de 4 jours est avant tout portée par l’entreprise elle-même, dans le but d’améliorer les conditions de travail afin d’augmenter l’attractivité de l’établissement et de fidéliser les salariés dans un contexte post-Covid.
Aux Etats-Unis, en Nouvelle-Zélande, Australie, Irlande, Islande, Grande-Bretagne et dans une moindre mesure en France, les tests de resserrement de la semaine de travail sur 4 jours se multiplient à l’initiative du secteur privé. Pour certains, il s’agit d’études d’ampleur qui portent sur des milliers de salariés, à l’image de ces 61 entreprises britanniques dont les activités vont du BTP au soin à domicile, en passant par le travail d’assistanat pour un total de presque 3000 salariés.
Une tendance positive pour les effets sur la santé
Bilan ? Plutôt positif puisqu’après 6 mois à ce nouveau rythme, les niveaux de burn-out ont diminué pour 71% des employés et les démissions ont chuté de 57%. Ce constat vient confirmer les conclusions de chercheurs de l’université de Turin qui se sont appuyés sur une dizaine d’expériences menées en Suède en 2020 et 2021 pour démontrer que la semaine de 4 jours s’accompagne aussi d’effets positifs sur la santé physique et mentale : baisse du stress et de l’anxiété, diminution de la fatigue et des problème de sommeil, atténuation de certains troubles musculo-squelettiques en particuliers ceux du cou et des épaules.
Si ces conclusions paraissent logiques puisque ce nouveau rythme de travail se concrétise par une diminution de 20 à 25% du temps de travail selon les cas, reste à savoir si travailler moins est forcément bon pour la santé. La réponse n’est pas si évidente qu’elle en a l’air car le travail a aussi ses bienfaits. Des études ont montré qu’il améliore la santé mentale des travailleurs, qu’il structure le temps et participe au lien social. Mais, comme le précise Brendan Burchell, sociologue et anthropologue à l’université de Cambridge, on observe aussi que ces bénéfices n’augmentent pas au-delà d’un jour de travail par semaine. De plus, selon Rosaria Gualano, professeur de santé publique en Italie, les résultats sont positifs sur plusieurs paramètres mais il faudrait davantage de données pour savoir si travailler moins s’accompagne d’une amélioration globale de la santé et des pronostics médicaux.
D’autres impacts clairement positifs
Les effets sur l’environnement sont quant à eux sans ambiguïté : la réduction du nombre de jours travaillés entraîne mécaniquement la baisse des émissions de gaz à effet de serre grâce à la réduction des transports domicile-entreprise. En outre, les chercheurs n’ont pas constaté d’effet rebond avec une éventuelle hausse des déplacements le week-end. Et surtout, ils notent une augmentation significative des comportements éco-responsables chez ceux qui bénéficient d’une réduction de leur temps de travail en leur permettant de visiblement réorienter leurs habitudes de consommation. Les conclusions du dernier test de 26 entreprises néo-zélandaises et australiennes confirment ces observations : 42% des employés ont adopté des activités plus écologiques en choisissant par exemple de se rendre à leur travail à vélo plutôt qu’en voiture.
Les études ont également révélé un effet largement positif sur l’égalité homme-femme quand il s’agit de garder les enfants.
Mais la vraie surprise de ces études vient des résultats sur la productivité. Maintenir le niveau en abaissant le temps de travail paraissait plutôt optimiste. Pourtant, tous les essais montrent que l’objectif a été atteint, parfois la productivité a même augmenté. Les entreprises en contact avec la clientèle ont, elles aussi, pu maintenir le service apporté au client sans devoir embaucher. La première explication vient de la baisse de l’absentéisme et du nombre d’arrêts maladie. La seconde, de l’implication des salariés eux-mêmes pour faire en sorte que cette nouvelle organisation fonctionne : tous ont contribué pour que la coopération entre salariés soit plus efficace, ont proposé de nouvelles idées et ont été écoutés en retour. La culture d’entreprise en a été remodelée. Par exemple les salariés se sont demandé si les réunions auxquelles ils participaient étaient nécessaires, qui devaient y participer et pour y traiter quel sujet. C’est ainsi que la moitié d’entre elles ont été supprimées.
Reste que ces constats sont issus de tests : quelle est la durée de ces effets bénéfiques dans le temps ? Les premiers résultats à douze mois commencent à être diffusés et ils montrent que l’impact positif de la mise en œuvre de la semaine de 4 jours se maintient.
L’exemple des 40h pour une analyse sur le long terme
La mise en place des 35h en France avait révélé de nombreux bénéfices en termes de bien-être et de satisfaction au travail mais la mesure ayant été remodelée dans des formes tellement différentes, il est devenu impossible pour les scientifiques d’en tirer des conclusions unanimes sur le long terme. L’expérience du passage aux 40h hebdomadaires au Portugal dans les années 90 a permis de démontrer que les effets de la réduction du temps de travail sont restés les mêmes, sans aucune atténuation avec les années.
La mise en place d’une mesure généralisée au niveau national de la réduction du temps de travail permettrait d’apporter une vision réaliste des effets de la semaine de 4 jours grâce à un panel plus large et donc une analyse statistique.
La semaine de 4 jours, mais sur quel rythme ?
Week-end de trois jours, demi-journées libres dans la semaine, mercredi off, réduction du temps de travail de deux heures chaque jour… les formules sont nombreuses. Mais sont-elles aussi efficaces les unes que les autres ? Pour l’instant les scientifiques estiment que les données sont insuffisantes pour permettre de déterminer les effets positifs des unes et des autres, une organisation pouvant se montrer efficace dans une entreprise et pas dans l’autre. Mais ils s’accordent à dire que les impacts ne peuvent pas être positifs si le passage à la semaine de 4 jours consiste simplement à reporter les heures de la 5e journée sur les autres jours de la semaine. En cause, l’intensification du travail qui produit des effets inverses sur le bien-être et la santé au travail. Pour cela, ils se basent sur l’analyse du cas de la Belgique, seul pays à avoir testé cette organisation de travail à grande échelle en 2022. Les résultats sont édifiants : moins de 0,5% des salariés concernés ont adopté ce rythme. Et les résultats sont similaires en France où le test a été mené à la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse.
Source : Epsiloon