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Pas moins de 70% des émissions de gaz à effet de serre sont liées à la production manufacturière et à l’extraction de matériaux pour la fabrication de nos objets du quotidien, de leur transport jusqu’à leur fin de vie. Ce processus linéaire « j’extrais, je consomme, je jette» nécessite en moyenne par européen et par an 14 tonnes de matériaux bruts et génère en moyenne 5 tonnes de déchets. Une économie davantage circulaire permettrait de réduire la pression sur l’environnement, d’améliorer la sécurité de l’approvisionnement en matières premières, d’augmenter la compétitivité, de stimuler l’innovation et la création d’emplois.
En quoi consiste l’économie circulaire ?
Inscrite dans la loi depuis le 10 février 2020, l’économie circulaire instaure un modèle économique qui consiste à produire des biens et des services de manière durable. Son objectif est d’inciter au passage d’une société du tout jetable, selon le modèle économique linéaire, à un modèle économique plus circulaire qui encourage une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières selon le principe «j’extrais moins, je consomme mieux, je répare et recycle».
Pour cela, la loi se décline autour de 7 axes :
- L’éco-conception : prendre en compte les impacts environnementaux du cycle de vie d’un produit et les intégrer dès sa conception
- L’économie de la fonctionnalité : privilégier l’usage à la possession d’un bien
- La consommation responsable : prendre en compte les impacts environnementaux du cycle de vie d’un produit lors d’un achat
- L’allongement de la durée d’usage : avoir recours au don, à la réparation, à la revente ou à l’achat d’occasion
- L’exploitation des ressources locales : optimiser l’utilisation des ressources sur chaque territoire
- L’approvisionnement durable : prendre en compte les impacts sociaux et environnementaux des ressources utilisées
- Le recyclage : l’objectif est de diviser par deux l’enfouissement des déchets en 2025 par rapport à 2010
L’économie circulaire, une solution à la gestion des déchets
Le refus récent de plusieurs pays d’Asie, dont la Chine et la Malaisie, de continuer à recevoir et traiter nos déchets a mis en évidence nos quantités produites et l’urgence de sortir de ce modèle linéaire. Selon le WWF, si aucun effort de la communauté internationale n’est fait pour enrayer la production croissante de plastique et les coûts qu’elle engendre sur l’ensemble de son cycle de vie, la gestion du plastique fabriqué chaque année coûtera bientôt plus de 7 000 milliards de dollars, soit plus de l’équivalent du PIB de l’Allemagne, de l’Australie et du Canada réunis. Aujourd’hui déjà, le coût du plastique pour la société, pour l’environnement et pour l’économie est 10 fois plus élevé que son coût de production.
Ce refus des pays d’Asie de devenir la poubelle de l’Europe nous donne l’occasion de créer enfin une industrie des matières premières recyclées en France, vertueuse pour le climat, l’emploi et la balance commerciale en réduisant les importations de matières premières. L’association caritative Fondation Ellen Macarthur, dont la mission est d’accélérer la transition vers l’économie circulaire, considère que la démarche réduira d’environ 630 milliards de dollars les dépenses en matières premières en Europe.
Pour atteindre cette ambition forte, plusieurs mesures sont censées permettre de changer en profondeur les modes de production et de consommation. Ainsi, la loi prévoit entre autres :
- Une responsabilisation accrue du producteur avec l’introduction de la notion de «responsabilité élargie». Ainsi tout producteur doit prévoir ce que deviendront ses produits en fin de vie et financer la gestion des déchets, selon le principe pollueur-payeur. Les filières concernées sont, entre autres, celles des emballages, de l’électroménager, des piles, de l’automobile, du tabac, des matériaux de construction, des jouets, des articles de sport, de loisir, de bricolage, de jardinage.
- De nouvelles interdictions notamment sur l’usage de plastiques à usage unique et pour lutter contre le gaspillage des produits invendus, alimentaires ou non
- Une information élargie à destination du consommateur : l’indice de réparabilité et la disponibilité des pièces détachées doivent être mentionnés clairement sur les produits, permettant à terme d’en allonger la durée de vie et de lutter contre l’obsolescence programmée qui pénalise à la fois l’environnement et le pouvoir d’achat des ménages. En France, souligne le ministère de la Transition écologique et solidaire, «seulement 40 % des pannes des produits électriques et électroniques donnent lieu à une réparation. Le projet de loi ambitionne de passer à 60 % d’ici à cinq ans ».
- De nouveaux outils pour mieux contrôler et sanctionner les délits contre l’environnement, pouvoirs des maires renforcés pour lutter contre les dépôts sauvages par exemple, pour soutenir les entreprises dans leurs démarches d’écoconception avec des systèmes incitatifs de type bonus-malus.
Recycler, mais surtout moins consommer
L’économie circulaire a le mérite de considérer de manière globale l’activité économique et de proposer des leviers d’action à différents niveaux. Le recyclage en pivot central, associé aux solutions complémentaires d’écoconception, d’économie de la fonctionnalité, d’écologie industrielle nous donnent donc théoriquement la possibilité de nous débarrasser des contraintes liées à la gestion des déchets et à la raréfaction des ressources. Un modèle pour la société de demain qui combinerait création de valeur et baisse de l’empreinte écologique.
Toutefois, il ne faut pas occulter que les processus de recyclage et de valorisation des déchets se heurtent à certaines limites.
- Le recyclage permet de profiter de la valeur économique des déchets, mais se heurte à la réalité technologique : des coûts élevés, une substituabilité imparfaite aux matériaux d’origine vierge et une part importante de matières non recyclables.
Si le recyclage peut se faire d’une filière à l’autre, les pneus pour les courts de tennis, les bouteilles plastiques pour des tissus polaire, d’autres n’ont qu’un nombre limité de recyclages. Il est en ainsi de la pâte à papier qui au bout d’un certain nombre de cycles perd en qualité et ne pourra plus être utilisée.
Pour ce qui est du plastique, seuls 40% des plastiques mis en déchèterie au niveau européen sont recyclables, le reste est enfoui ou incinéré.
- Certains déchets comme les mégots de cigarettes ont également des composants dangereux qui ne peuvent pas être réincorporés dans de nouveaux produits. Le recyclage est impossible, l’enfouissement est à l’origine de dommages environnementaux, l’incinération transforme ces dommages à court terme en des dégâts climatiques à plus long terme… Le principe d’une économie totalement circulaire paraît donc difficile à mettre en œuvre.
- D’autre part, le recyclage peut nécessiter des processus industriels complexes, coûteux, énergivores et l’utilisation massive d’eau ou d’éléments chimiques lors du traitement de certains déchets.
- Enfin, les problématiques liées à l’export de déchets à l’autre bout du monde et le manque de visibilité quant à leur traitement laissent penser que l’efficacité n’est pas atteinte. Sans compter des conditions de travail du recyclage parfois déplorables dans ces pays.
L’économie circulaire pose donc un cadre et des principes très positifs pour une initier une transition écologique. Reste une évidence : pour ne pas crouler sous nos déchets, la solution consiste avant tout à éviter au maximum d’en produire. L’économie circulaire doit être associée à une maîtrise de notre consommation, donc à une recherche de sobriété. D’autant plus que certaines études montrent que les individues ont paradoxalement tendance à augmenter leur consommation dès lors qu’elles savent que le recyclage est possible.
Et quel impact sur l’emploi ?
L’économie circulaire, par une meilleure gestion des ressources et des déchets, par l’accent mis sur la réparation et le réemploi des produits, par le recyclage des matériaux permet à la fois de réduire les émissions de gaz à effet de serre et les impacts sur la biodiversité et de préserver et créer des emplois non délocalisables sur les territoires.
Selon le ministère de la transition écologique, recycler une tonne de déchets générerait trente fois plus d’emplois que de les mettre en décharge. Selon le Parlement Européen, l’économie circulaire permettra de créer 700 000 emplois dans la seule UE d’ici 2030. Recycler en France plutôt qu’ailleurs permettrait donc de relocaliser ces jobs. Même si tous ne pourront pas l’être : une très grande partie des cartons continuera par exemple à être recyclés en Asie, là où sont produits les biens de consommation qu’ils servent à emballer.