Silencieusement, une révolution dans le rapport au travail s’opère chez les jeunes. Cette volonté de changement n’est pas nouvelle puisqu’elle figurait déjà parmi les slogans de Mai 68. Ils scandaient alors dans la rue « Ne pas perdre sa vie à la gagner » ou encore « On ne peut pas être amoureux d’un taux de croissance ! » pour revendiquer la possibilité d’avoir une vie privée qui ne soit pas envahie par le travail. Cependant, aujourd’hui, les employeurs commencent à ressentir l’impact de ces revendications et doivent s’y adapter rapidement.
Une étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) datant de 2020 montre que seulement 15% des jeunes salariés de moins de 30 ans ne veulent rien changer à leur travail. Ces 15% sont des diplômés modestes qui travaillent, par exemple, en tant qu’ouvriers non qualifiés ou dans le secteur des transports. Ainsi, 85% des jeunes salariés de moins de trente ans ne sont pas entièrement satisfaits de leur emploi actuel. Cette insatisfaction est due aux nombreuses exigences que les jeunes ont à propos de leur emploi. Parmi les 85% d’insatisfaits, 31% le sont car ils veulent progresser au sein de l’entreprise, 22% car ils considèrent leur travail trop contraignant, d’autres veulent créer leur propre emploi et, enfin, certains considèrent que leur travail n’est pas à la hauteur de leurs qualifications.
L’incontournable quête de sens
La quête de sens au travail est l’une des grandes revendications des jeunes aujourd’hui. En effet, 78% des 18-24 ans interrogés par la société d’études Yougov pour le site Monster en septembre 2021 n’accepteraient pas un emploi qui n’a pas de sens pour eux. Ainsi, les jeunes se préoccupent de plus en plus de l’impact social et environnemental de leurs missions et n’hésitent plus à en parler durant les phases de recrutement. Les causes défendues par les entreprises qui font mouche chez les jeunes sont la préservation de l’environnement ainsi que la lutte contre les discriminations et contre le racisme. En ce sens, les jeunes cadres sont nombreux à se regrouper au sein d’associations, telles que « Vous n’êtes pas seuls », qui tentent de faire bouger les lignes et de diminuer l’impact environnemental des entreprises. Cette association prône notamment la résistance des cadres au sein des entreprises et les pousse même parfois à la démission en tant qu’acte politique.
Des exigences non négociables
En outre, les jeunes témoignent d’une exigence accrue dans leur travail sur plusieurs points.
⦁ La valorisation de leur diplôme
Le nombre de diplômés du supérieur ne cesse d’augmenter mais, de plus en plus nombreux, ils peinent à obtenir des postes qui correspondent à leur niveau de qualification. Ils subissent donc un déclassement en sortie d’études, loin de ce qu’on leur avait promis à l’entrée. Ainsi, un emploi qui valorise leurs compétences et leurs qualifications est devenu un critère primordial pour les jeunes.
⦁ Un salaire à la hauteur de leurs attentes
D’un autre côté, les jeunes font preuve d’une grande ambition sur leur salaire. Toujours dans l’idée de l’allongement du temps d’études, ils ont des critères précis sur leur niveau de rémunération. Ainsi, 65% des 18-24 ans n’accepteraient pas un salaire inférieur à celui qu’ils visent.
⦁ La préservation de l’équilibre vie privée – vie professionnelle
Dans le choix d’un emploi chez les jeunes s’ajoute, à la quête de sens au travail et aux ambitions de valorisation et de rémunération, la volonté de préserver leur vie privée. Cela se caractérise par une envie de ne pas dédier sa vie entière au travail, d’avoir le temps de vivre des expériences et d’obtenir de la reconnaissance en dehors de son emploi. Cette volonté peut, notamment, se caractériser par une autonomie accrue au travail. Le télétravail et les horaires flexibles sont des caractéristiques recherchées par les jeunes qui semblent préférer le management par les objectifs que le mangement par les horaires.
Finalement, l’accroissement des exigences des jeunes salariés entraine une plus grande mobilité de leur part. Cette mobilité peut être interne, c’est-à-dire via une évolution au sein de la même entreprise, mais elle peut aussi être externe. En effet, ils sont bien moins fidèles à l’entreprise que leurs aînés. Selon Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop, et Stewart Chau, expert en stratégie électorale, seulement 27% des cadres de moins de 30 ans déclarent vouloir rester dans leur entreprise. En ce sens, le nombre de démissions en CDI est en forte augmentation. Cela nous montre qu’il n’est alors plus question pour les jeunes d’abandonner leurs exigences quant à leur emploi, et cela au détriment de leur carrière.