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Qu’est-ce que le management hybride ?

7 avril 2022

Qu’est-ce que le management hybride ?

Temps de lecture : 8 min

Depuis l’arrivée du télétravail, les pratiques ont changé, et le management doit s’adapter

Le télétravail s’est imposé au départ dans l’urgence, il y a presque deux ans maintenant.

Nombreuses sont les entreprises qui songent désormais à pérenniser ce format organisationnel sur le long terme. Malgré tout, le « retour à la normale » n’en sera pas un véritablement. Il ne s’agira pas de reprendre les anciennes habitudes mais bien de penser et d’organiser une nouvelle façon de travailler qui émerge de manière particulièrement rapide : un management hybride, qui oscille entre présence physique au bureau et à distance organisée depuis son lieu de résidence, en déplacement ou dans des espaces de coworking.

Le dernier baromètre « Impact de la crise sanitaire sur la santé psychologique des salariés », réalisé par OpinionWay pour Empreinte Humaine (mai 2021) pour la France, a montré que le nombre de burn-out a doublé en un an pour atteindre deux millions de personnes. Il semblerait que les managers soient en moyenne 1,5 fois plus touchés que leurs collaborateurs. La transformation numérique qui s’est accélérée avec la crise sanitaire a augmenté sensiblement la charge cognitive. De plus, l’hyper-sollicitation des salariés a contribué à réduire les frontières entre espaces de vie privée et de vie professionnelle, engendrant de forts enjeux de cohésion d’équipe dans cette forme de management hybride.

L’augmentation de la charge cognitive

Elle s’explique en premier lieu par un phénomène d’hyper connexion des travailleurs qui ont vu leur utilisation des outils numériques professionnels fortement augmenter en un an. En 2020, le volume de visioconférences a été multiplié par 20, provoquant un important phénomène de fatigue numérique. La fatigue visuelle causée par la surexposition aux écrans, la « Zoom fatigue » s’explique, selon le Pr. Bailenson, chercheur à Stanford, par le paradoxe d’interactions à la fois trop intenses (avoir un collaborateur en gros plan pendant une heure) et trop pauvres.

Vous l’avez sans doute remarqué, la visioconférence prive les interlocuteurs de la plupart des indices non verbaux qui permettent de réguler une interaction. Cette augmentation a touché les collaborateurs comme les managers. Une étude « Mesure de l’impact de la visioconférence sur la qualité du management à distance », réalisée en 2021 a montré que depuis le Covid-19, les managers font environ 18 heures de visioconférence par semaine, contre une dizaine pour leurs collaborateurs. Le corollaire de cette overdose de technologie professionnelle est un stress technologique important chez les managers qui, bien souvent, ont la charge de mettre en place les dispositifs techniques permettant le management à distance.

L’hyper-sollicitation managériale

Cette surcharge cognitive qui résulte  du management hybride réside aussi dans la difficulté de maintenir la cohésion d’équipe et l’efficience relationnelle dans un dispositif qui est inégalitaire. 

Le management hybride suppose qu’une partie de l’équipe est en présence alors que l’autre est à distance, ce qui génère des relations asymétriques au sein de l’équipe. Ainsi, l’étude de 2021 montre que les collaborateurs se sentent souvent isolés, oubliés voire exclus et sont de ce fait moins impliqués ou plus stressés. Le cadre managérial n’étant plus assuré par le lieu de travail (par exemple, la salle de réunion), il devient nécessaire pour le manager d’aller chercher les collaborateurs à distance pour les réintégrer dans la dynamique de l’équipe ou pour les rassurer en leur donnant des feedbacks supplémentaires. Désormais, cela repose entièrement sur les épaules du manager. Dans ce dispositif hybride, les managers sont contraints à une gymnastique perpétuelle et épuisante qui leur demande d’articuler simultanément deux formes de management, en présence et à distance. 

Pour certains, ce dispositif est l’avenir du management : flexible, efficace, sans frontières. Mais pour d’autres, plus négatifs, il révèle les effets pernicieux du multitasking, l’art de pratiquer plusieurs activités en même temps et d’utiliser plusieurs moyens de communication de manière simultanée. Le manager doit être partout à la fois ; il doit porter le cadre managérial tout en étant au plus près de ses collaborateurs. Son omniprésence augmente sensiblement son risque de burn-out par un multitasking qui le pousse à fonctionner au-delà de ses ressources cognitives. Il est alors nécessaire de repenser le cadre managérial de manière à délester les managers du poids de la structure pour les laisser se concentrer sur la gestion d’équipe.

Les frontières parfois floues entre le lieu de travail et le lieu de vie

En plus de la charge cognitive, s’inscrit un défi supplémentaire : celui du lieu de travail. Les moyens technologiques octroient une flexibilité supplémentaire quant au lieu de travail. Certains pourront travailler depuis un bureau spécialement aménagé au sein de leur domicile, disposant d’un véritable espace professionnel, voire d’un bureau individuel leur assurant davantage de calme qu’un open space sur leur lieu de travail habituel, et un gain de temps considérable dans leurs déplacements. D’autres, par contre. n’ayant pas de lieu propice dans leur environnement privé, pourront travailler depuis un espace de coworking mis à disposition par leur employeur, dans une zone géographique plus proche de leur lieu de résidence, où ils pourront côtoyer d’autres employés et bénéficier d’un cadre logistique identique, voire supérieur, à ce que leur organisation leur propose dans ses propres murs. Malgré cela, ces lieux de travail hors locaux habituels peuvent présenter certains inconvénients, parmi lesquels sont un risque de confusion entre vie privée et vie professionnelle, et un risque de perte de confidentialité ou de capacité de rétention des talents. 

Le retour sur site représente un défi pour la conception des lieux de travail. Au cours des dernières années, de nombreuses entreprises et administrations ont remplacé les bureaux individuels par des espaces partagés. Ceci a fait l’objet de points de vue clivés entre, d’une part, des concepteurs qui mettent en avant l’augmentation de la densité d’utilisation de l’espace et la volonté de faciliter la communication et, d’autre part, des travailleurs qui pointent les interruptions et les difficultés de concentration dues au bruit et aux mouvements. 

À l’heure actuelle, les activités sur site se caractérisent par une forte hybridation : visioconférences, échanges en présentiel et travail individuel se combinent, dans une même journée de travail. L’open space n’est pas un lieu adapté pour ce type d’activité.

Dans l’intérêt de tous, l’application du management hybride nécessite la prise en considération de trois éléments fondamentaux :

1 – Admettre qu’une nouvelle forme de management est nécessaire

Elle nécessite que l’entreprise et ses salariés acceptent que les choses sont en train de changer. Les structures, procédures et outils fonctionnels dans les formes managériales d’hier ne sont plus toujours adaptées au monde du management hybride qui émerge aujourd’hui.  Lors de cette phase d’acceptation, les entreprises pourront, à leur cadence et selon leurs moyens, octroyer un cadre propice à la résilience managériale de leur organisation.

2- Limiter l’hyperconnexion

Pour cela, la formation des managers et des collaborateurs à une meilleure utilisation des outils numériques professionnels est un enjeu de taille. Même si les travailleurs sont aujourd’hui protégés en France par le droit à la déconnexion qui régit leur relation au numérique en dehors des heures de travail, ceci ne garantit pas la qualité de leur relation au numérique pendant les heures de travail. Souvent, ces outils sont utilisés à mauvais escient, comme les messageries instantanées, les visioconférences à outrance ou encore les notifications intrusives à répétition. Il devient crucial de ne pas pérenniser ces mauvais usages de la technologie dans le déploiement du management post-Covid, au risque de considérer l’hyperconnexion comme quelque chose de normal.

3- Former les protagonistes au management hybride

Le management hybride implique la mise en place d’un cadre managérial clair et solide dans lequel l’organisation du télétravail doit être régulée. Chaque entité doit s’organiser en collaboration avec les organisations syndicales pour mettre en place un accord qui réponde à la fois à un besoin de souplesse et à un besoin de bon fonctionnement. La mise en place d’un planning de télétravail synchronisé (ou les jours de télétravail sont les mêmes pour tous) peut être une solution, mais il en existe certainement d’autres qui viennent soutenir l’action du manger plutôt que de le mettre sous contraintes. 

De plus en plus d’offres de formation au management à distance sont maintenant disponibles sur le marché, mais les organisations devront pouvoir adapter des modèles clefs en main à leur propre contexte, pour ne pas engendrer une rupture managériale et technologique qui pourrait elle-même contribuer à augmenter sensiblement le stress chez ses collaborateurs.

En conclusion, garantir un tel cadre managérial permettra de contribuer à poser les bases du management de demain, pour gagner en souplesse et en efficacité.

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