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Cadre et syndicaliste

11 avril 2022

Cadre et syndicaliste

Temps de lecture : 8 min

Cadre et syndicaliste : Une double casquette pas facile à porter

En nombre croissant, les cadres sont largement hostiles au syndicalisme. Seule une
minorité s’investit dans le dialogue social de son entreprise. Pourquoi ne sont-ils pas plus
nombreux ? Comment en attirer un plus grand nombre ? Commencement de réponse.

cadre d'entreprise qui discute
Photo by Antenna on Unsplash

La société française se tertiarise, la proportion de cadres est en augmentation. Elle a même plus que
doublé en 40 ans. Ainsi, en 2020, elle aurait dépassé celle des ouvriers. « La France se désindustrialise et
se tertiarise depuis quarante ans et les nouvelles générations sont plus qualifiées. Logiquement, les
cadres sont en nombre croissant et leur groupe est de plus en plus hétérogène », expliquait en mars
2021 dans Ouest France, Charles Gadéa, professeur de sociologie à l’Université Paris-Nanterre. Il est
donc logique de penser que le dynamisme du dialogue social et de la représentativité syndicale passent
par un accroissement des effectifs de cadres syndiqués.

Encore faut-il arriver à susciter leur intérêt pour le dialogue social voire même à convaincre les cadres
de prendre des responsabilités de représentants du personnel.
L’engagement syndical est encore souvent perçu comme une remise en cause de la relation de
confiance avec l’employeur. Les cadres bénéficient souvent d’un accès à des informations
confidentielles, d’une rémunération plus élevée et d’une marge de manoeuvre plus large. Une étude de
2021* sur 600 cadres a montré que 30% d’entre eux ne voient aucune raison qui pourrait les décider à se
syndiquer et se déclarent même plutôt hostiles aux organisations syndicales.

cadre marchant avec sa malette
Photo by Marten Bjork on Unsplash

L’adhésion aux logiques économiques et managériales antisyndicales est fréquente parmi eux. Seule
une minorité affirme avoir une opinion positive des syndicats. Et parmi toutes les organisations
syndicales, aucune ne récolte plus de 20% d’opinions positives.

Qui sont les cadres syndiqués chez FO ?

  • Les moins de 40 ans représentent 13 % des cadres syndiqués à FO, alors que ces générations pèsent pour 40 % des effectifs de cadres chez les actifs. À l’inverse, les plus de 50 ans représentent 57 % des cadres FO, alors qu’ils ne pèsent que 31 % chez les actifs.
  • La filière de formation semble avoir une certaine influence sur la décision de se syndiquer à Force Ouvrière. Les cadres issus d’une école de commerce représentent 33 % des adhérents alors qu’ils pèsent pour 42 % des managers et cadres, tout métier confondu. À l’inverse, les cadres issus des écoles d’ingénieur sont sur-représentés dans les effectifs de FO : 58 % pour une proportion de 47 % chez les actifs.

Source : Dominique Glaymann et Raymond Pronier ; étude FO-Cadres 2021 / IRES, en cours de publication

Réunion de plusieurs cadres
Photo by Memento Media on Unsplash

Dans l’esprit d’un grand nombre d’entre eux, il existe un contrat implicite avec l’employeur : en
échange de leur loyauté, ils peuvent espérer une progression de carrière régulière, des promotions et
des augmentations salariales. Les jeunes sortis d’école croient d’autant plus à ce « contrat » qu’ils ont
été formatés dans ce sens durant leurs études. Phénomène aggravant, les grandes écoles de
commerce, pourvoyeuses de futurs cadres, ignorent le dialogue social et ont tendance à renforcer les
images véhiculées sur les syndicats que les jeunes diplômés ont déjà souvent en tête.
Par conséquent, soit ils ne les connaissent pas, soit ils estiment qu’ils sont ringards et que le
syndicalisme n’est pas adapté à notre époque. C’est pourquoi « la grande majorité des jeunes actifs
ne perçoit aucun intérêt à se lancer dans le syndicalisme », analyse Arnaud Mias, professeur de
sociologie à l’université Paris-Dauphine.

Une inversion de la tendance

Cependant, les mentalités évoluent doucement sous l’effet des contraintes économiques et
financières. « Le statut des cadres a changé. Ils ne sont plus intouchables et peuvent être licenciés
comme les non-cadres » explique Dominique Glaymann, professeur émérite de sociologie, qui précise
qu’entre 2009* et aujourd’hui, la proportion de cadres qui se déclarent plus proches des salariés non-cadres que de leur Direction est passée de 31 % à 39 %. Une proportion dont la croissance continue
depuis dix ans se nourrit d’un vécu personnel : évolution de carrière au point mort, rémunération
bloquée ou expérience de la restructuration de leur service. Parallèlement, ceux qui se sentent plus
proche de la direction sont passés de 32 % à 19 %.

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Attirer les cadres

La détérioration des conditions de travail, l’atteinte aux droits sociaux et la perte de sens au travail
peuvent amener des cadres vers le syndicalisme. Ils apprécient alors le savoir-faire en matière de
négociation et sont motivés par la dimension utilitariste de l’adhésion syndicale. Ils attendent ainsi
de pouvoir bénéficier d’un accompagnement lorsqu’ils sont confrontés à un problème personnel
voire d’obtenir des conseils juridiques ou une aide psychologique. Ils souhaitent aussi bénéficier
d’informations pertinentes, aussi bien sur les résultats de l’entreprise que sur les actualités du métier
ou sur les questions RH comme les primes, les congés payés, la formation…
Mais il faut faire preuve de mesure. Abreuver les cadres d’informations et de services ne suffit pas à
les attirer vers le syndicalisme. Les discussions informelles et la relation personnelle sont
déterminantes. Et si c’est un cadre syndiqué qui créé et maintient une relation avec ses pairs, c’est
beaucoup plus efficace. Quoi qu’il en soit, la décision de s’engager est toujours une décision très
personnelle et elle intervient surtout après une rencontre interpersonnelle.

Tout état de cause, les cadres se syndiquent rarement jeunes ou en début de carrière. Par ailleurs, les
cadres syndiqués qui ne revendiquent pas leur appartenance sont assez nombreux. Ils sont
adhérents mais pas ouvertement militants car ils craignent pour leur réputation et leur carrière. Ils
n’ont pas non plus envie que leurs collègues le sachent car l’antisyndicalisme est assez répandu chez
les cadres du privé.

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Et qu’en est-il de ceux qui prennent des responsabilités de représentants du personnel ? Les
cadres qui se lancent dans le dialogue social le reconnaissent, c’est rarement un choix
idéologique, davantage une décision provoquée par le désir d’être utile et de contribuer à la
bonne marche de l’entreprise. Car en effet, l’investissement dans le dialogue social peut valoir
quelques tensions avec certains managers. La progression salariale subit souvent des
périodes creuses. Et l’engagement demande du temps, en particulier pour se tenir informé des
évolutions du droit du travail. Bref, il faut en avoir envie mais les satisfactions personnelles au
niveau humain sont décisives.
« Les cadres qui s’engagent ont un caractère bien trempé. Ils ne sont pas trop attachés à leur
carrière et se montrent intéressés par la gestion de l’entreprise, les conditions de travail ou
encore la défense du régime social des salariés.On peut affirmer qu’ils sont moins
individualistes que les autres » assure Nicolas Faintrenie, secrétaire général de la section
Services à la FEC, la Fédération des employés et cadres de Force Ouvrière. Reste à espérer
que ce type de profils n’est pas trop rare parmi les jeunes cadres recrutés ces dernières
années.

Source : Dominique Glaymann et Raymond Pronier ; étude FO-Cadres 2021 / IRES, en cours de publication

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