ACTUALITÉ EeFO

Charge de travail, comment la définir ?

26 janvier 2024

Charge de travail, comment la définir ?

Au moment où s’ouvre la période des entretiens annuels, il peut sembler utile de remettre le sujet de la charge de travail au centre des discussions avec son manager. Voici comment la définir avec précision.

La charge de travail désigne les ressources physiques, mentales et cognitives sollicitées pour accomplir une tâche. Bien que l’on parle parfois de charge raisonnable, perçue ou ressentie, elle est trop souvent abordée sous le seul angle quantitatif comme lorsqu’on parle de « sur » ou de « sous-charge ».

Pour l’observer et pouvoir suivre sa régulation dans les entreprises, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) a élaboré un modèle qui la décompose en trois aspects : la charge prescrite, la charge réelle et la charge vécue.

La charge prescrite désigne ce que le prescripteur demande à l’employé de réaliser, le travail à faire. La charge réelle correspond à ce qui est réellement réalisé en tenant compte des aléas, des ajustements, du travail non prévu, du travail réalisé avec le soutien des collègues… La charge vécue, plus subjective, est la perception par le salarié de ce travail, de sa réalisation et de son sens.

Tout l’enjeu consiste à réguler c’est-à-dire à équilibrer ces trois dimensions, comme le précise Nathalie Gauvrit chargée de mission à l’Anact : « Le meilleur outil pour agir et trouver cet équilibre est la discussion sur le travail entre le prescripteur, direction ou manageur, et celui qui va le réaliser. Il s’agit pour le prescripteur d’exprimer ses attentes, “je vous demande de faire cette tâche pour laquelle je vous paie et pour laquelle je vous fournis les moyens nécessaires”, mais aussi de s’assurer que le réalisateur dispose des bons outils, des informations, du soutien, du matériel, des coopérations nécessaires pour bien accomplir cette tâche ».

Il n’y a pas de meilleur expert que celui qui réalise la tâche

L’avantage de réguler la charge de travail et d’instaurer ce dialogue autour des tâches à accomplir est non seulement qu’il redonne du sens au travail de chacun, mais aussi qu’il mette les réalisateurs en position d’experts. « Celui qui réalise la tâche est celui qui sait de quoi il a besoin pour bien la faire. Cela permet de revenir sur l’identité professionnelle de chacun. Les employés comme les manageurs sont là parce qu’ils ont le diplôme, la pratique ou l’expertise qui les désignent pour ce travail », poursuit Nathalie Gauvrit.

Cette régulation peut se faire à plusieurs moments. Les réunions hebdomadaires ou mensuelles ou encore l’entretien annuel sont des espaces propices. L’idéal est aussi de mener cette discussion en amont du lancement d’un nouveau projet ou de la mise en place de nouveaux modes de travail puis de rediscuter en cours de route, de s’assurer que les contributeurs voient bien l’intérêt de ce qu’ils font, qu’ils ont un sentiment d’utilité et surtout que les outils mis à leur disposition leur permettent de bien vivre leur travail.

Pourtant, nombre d’entreprises négligent ce chapitre du management, à leurs dépens. En témoigne l’exemple de la FNAC qui, en décembre 2012, a vu sa réorganisation suspendue en raison « du manque d’une analyse chiffrée et précise des transferts de charge de travail des postes supprimés vers les salariés restés en fonction ». Autre jurisprudence en la matière, le caractère professionnel d’un accident et d’une faute inexcusable reconnue en raison d’une absence d’évaluation de la charge de travail. Un oubli qui peut coûter cher.

Idées reçues

La charge de travail, le problème se pose quand il y en a trop

On parle souvent de charge de travail quand elle est en excès et qu’elle charrie avec elle son lots de problèmes associés : tensions dans les collectifs, stress, arrêts maladies, plaintes. Il faut cependant prendre aussi en compte les questions liées aux fortes variations de charge (période de calme relatif et pics d’intense activité), ainsi que la répartition différenciée de la charge au sein des collectifs. Parfois des problèmes de charge de travail sont évoqués quand certains ont l’impression d’en faire plus que les autres, et traduisent un sentiment d’inéquité. Il faut enfin considérer les problèmes de sous-charge de travail qui peuvent provoquer de l’ennui, du désinvestissement, voir même des troubles de la santé.

Il faut que les travailleurs apprennent à réguler leur charge et à ne pas faire de « sur-qualité »

Il est parfois tentant de considérer que la surcharge de travail est due à un excès d’engagement ou à une volonté de « trop bien faire ». Chaque travailleur a effectivement sa représentation du « travail bien fait » et ses propres exigences en termes de qualité. Mais il est vain de demander à un travailleur d’en faire « un peu moins ». En effet, comment décider seul du niveau de qualité attendu ou suffisant ? Comment renoncer à ce qui donne du sens au travail, au métier ? C’est par le partage de repères collectifs, discutés avec les travailleurs concernés et rendus légitimes par le management, que le niveau de qualité attendu peut être adapté en tenant compte des besoins et des attentes de chacun (direction, commanditaires, manageurs, travailleurs, clients…).

Il y aura toujours des personnes débordées et d’autres qui savent mieux gérer leur temps

Bien sûr chacun a des capacités et des méthodes différentes pour gérer son temps, le stress, et pour s’adapter aux contraintes imposées par l’activité. Néanmoins, cet argument ne doit pas servir d’alibi pour éviter de s’interroger sur les facteurs de charge de travail et les meilleures manières de la réguler. Or cette régulation n’est efficace que si elle est collective, avec des cadres partagés sur le niveau de qualité attendu, les manières de travailler, l’identification et l’aménagement de marges de manœuvre. C’est dans le collectif dans lequel s’inscrit le travailleur que les solutions peuvent être trouvées, et dans tous les cas en prenant en compte et en confrontant les points de vue des uns et des autres pour définir des repères partagés.

Le développement des outils numériques permet de réduire la charge de travail

Les transformations numériques (intégration de nouveaux outils, digitalisation de la relation client, intelligence artificielle pour la gestion de dossiers, etc.) sont souvent présentées comme des facteurs d’allégement de la charge qui permettent aux travailleurs de se consacrer à des activités plus épanouissantes ou « à plus forte valeur ajoutée ». La réalité est plus nuancée et ces transformations numériques se traduisent parfois par une augmentation de la charge de travail. Deux éléments peuvent l’expliquer : d’une part leur déploiement ne prend pas assez en compte la réalité du travail et implique des ajustements et des régulations coûteuses en temps, d’autre part l’usage des outils numériques suppose des temps d’appropriation, d’acquisition de compétences et d’évolution du fonctionnement des collectifs qui limitent les gains de charge de travail à court et moyen termes.

C’est seulement aux managers de réguler la charge de travail

Les manageurs jouent un rôle clef dans la régulation de la charge de travail. Ils définissent les objectifs individuels et collectifs, et c’est souvent eux qui connaissent le mieux l’activité des travailleurs. Ils sont aussi leur premier interlocuteur en cas de besoin ou de difficulté. Ils ne sont cependant pas tout-puissants et sont souvent eux-mêmes soumis à des contraintes fortes et à une charge de travail élevée. S’ils n’ont pas de marges de manœuvre pour adapter la charge de travail, ils se retrouvent pris en étau entre les injonctions de la direction et les difficultés rencontrées par les travailleurs pour réaliser les objectifs. Il faut donc les outiller pour qu’ils puissent réaliser un pilotage pertinent des activités mais aussi et surtout leur donner des marges de manœuvre pour réguler la charge de travail. Ils doivent également pouvoir s’appuyer sur les collectifs et les collaborateurs qu’ils encadrent. Cela suppose un engagement de la direction et des échanges réguliers entre la réalité du terrain et les décisions prises par les prescripteurs, les commanditaires et les directions.

Sources : Le Monde, Anact

Découvrez plus d'actualités